vendredi 29 mai 2009

La maman de Jérémie... et moi!!

- Mais qu'est-ce qui se passe, Jérémie? Pourquoi tu pleures comme ça? Allez viens ici!

Je prends alors dans mes bras une petite fontaine qui passait par là...

- Allez, pourquoi tu pleures comme ça?
- Parce que je peux pas jouer à la Play Station....... ouiiiiiiiiiiiiiiinnnnn...
- Ah bon???
- Noooon...
- Qui t'a dit ça??
- C'est toiiiiiiiii... bouhouuuuu...
- Qui ça, toi?
- Maman...
- Ta maman t'a dit ça??
- Oui... Arrête!!!!!!!!
- Elle a osé!!!!!!! Je pense que tu devrais changer de maman!!!
- Ah, maman!!!!!! Arrête!!!!!!!!
- Ben quoi??? Euh... et pourquoi elle t'a privé de jeu, ta maman?
- Parce que j'ai fait une criiiiiiiiiiise... snif... pour jouer...
- Ah... Quelle bonne personne!! Elle a eu bien raison!!!
- Aaaah...

Pékan, pecari, peccadille...

Nana: Moi, j'ai une super bonne idée pour un nouveau jeu!!!
Moi: Raconte!!!
Nana: Ben je dis le début d'un mot et vous essayez de le deviner...
Olivier: N'importe quel mot?
Nana: Non, un mot de nourriture... Comme si je dis "péca", vous essayez de trouver le mot!!!!
Jérémie: Pingouin?
Nana: Non, ça commence par "péca"!!!!!!!!!
Moi: Mais je ne vois pas, Elana... je ne connais pas ce mot!!!!
Nana, désespérée: Mais c'est facile!!! Pécaché!!!!!!!! A maman, maintenant!!

mercredi 27 mai 2009

La faim au quotidien

- Maman, qu'est-ce qu'on va manger, ce soir?
- Ce soir? Ben rien... pourquoi?
- On va rien manger?
- On a mangé hier!! Pourquoi on mangerait tous les jours?? C'est pas obligé!
- Ah...
- On remangera demain!!!
- Ah...
- Pourquoi tu demandais ça, Nana?
- Ben parce que je pensais qu'on mangeait... On mange pas du tout?
- T'avais envie?
- Oui... j'ai faim... c'est long jusqu'à demain...

Je sais, je suis horrible... n'en rajoutez pas...

jeudi 21 mai 2009

Il fallait bien que ça arrive un jour...

Eh oui... t'as quarante ans, mon coeur!!!

Ca te faisait peur, depuis le temps qu'on en parlait... mais bon, aujourd'hui, je pense que tu trouves ça moins pire que ce que tu craignais...

Pour ma part, depuis bientôt 7 ans de vie commune, je peux te dire que rien n'a changé...

Il suffit que tu me frôles pour que je frissonne, que tu m'enlaces pour que s'éveille en moi une émotion de jeune fille touchée par la grâce d'un tout premier baiser...

J'aime caresser ta peau de mes mains rugueuses, j'aime ton odeur... même quand tu reviens d'une journée de dur labeur, même en sueur tu sens mon homme à moi...

Quarante ans, ça me fait surtout penser que tu avais 32 ans quand je t'ai rencontré pour la première fois... et que dans la même journée on avait tout fait pour vivre une vie en quelques heures... parce qu'on se disait que peut-être que ça se terminerait là... et qu'on ne se reverrait plus jamais...

... mais nous avons réussi...

... et malgré le fait que nous vieillissons, que nous nous fanons de l'extérieur... tout doucement...

... au fond de nous-mêmes...

... c'est nous qui avons gagné!!!!

Bon anniversaire, mon amour!! ainsi qu'à l'entreprise...

On verra bien ce que l'avenir nous réserve... mais tant que je pourrai m'endormir près de toi... je serai bien...

mercredi 20 mai 2009

La dernière fois

Il vit ses dernières heures de trentenaire... il aura 40 ans demain!!

- Danielle, c'est mon dernier café de mes trente ans...
- Ah bon? Quelle histoire!!!

- Danielle, c'est la dernière fois de mes trente ans que je vais me coucher!!
- Ayayaye!!!!!!!

- Danielle, c'est la dernière fois de mes trente ans que je fais pipi!!!
- Ah mon dieu, Alex, qu'est-ce que tu vas faire?

Eh oui, c'est bientôt le grand jour...

La bête... déclare la guerre!!!!

Olivier, Jérémie, Elana et moi étions en train de manger tranquillement nos côtelettes de porc fumées lorsqu'un hélicoptère est entré dans le salon... vraisemblablement arrivé à l'intérieur de l'appartement par la fenêtre ouverte de l'une des chambres...

La bouche pleine, je savourais les arômes exquis du repas lorsque je l'entendis... et tournai la tête avec une lenteur calculée en raison de l'angoisse qui était la mienne à partir du moment où mon oreille se mit à capter le bourdonnement de son moteur.

Il me suffit d'un coup d'oeil pour me faire une idée de la situation! Une bête volante, énorme, monstrueuse!!!!!!!! Un dinosaure ailé dans mon salon!!!!!!! Doté d'un abdomen tendu, d'une horrible tête aux yeux si grands qu'on aurait presque pu lui mettre un peu de mascara...

Il faut dire que j'ai la chance de très bien réagir au stress, donc d'assurer comme un chef dans les moments d'urgence... j'ai donc pris les choses en main...

- SORTEEEEEEEEEEEEZ!!!!!!!!

Je fis sortir les enfants, hurlant des ordres, désireuse de mettre l'épaisseur d'une porte entre nous et la chose... ce qui fut fait dans les règles de l'art, sauf que... j'avais oublié de vérifier que les fenêtres étaient ouvertes et permettaient donc au monstre de se retirer.

- Olivieeeer...
- Oui?
- T'as peur?
- Euh... oui, quand même...
- Olivieeeeeer...
- Oui??
- Tu veux bien regarder si les fenêtres sont ouvertes?
- Bon oui, mais poussez-vous un peu...

- Mimi, qu'est-ce que tu as? Pourquoi tu pleures?
- J'ai peur que Jeff se fasse piquer...

Après avoir délégué quelques tâches, nous nous sommes légèrement reculés et Olivier, après avoir entrouvert la porte, n'a pu que constater que toutes les fenêtres étaient closes et que la bête arpentait rageusement la vitre sale (bah oui, quoi?) de la porte-fenêtre... Il fallait un courageux volontaire...

- Olivier?
- Oui?
- Tu penses que tu aurais le courage d'aller ouvrir une fenêtre?
- Euh...
- Alleeeeez... stp... et regarde si Jeff va bien...
- Bon... ok... mais je vais mettre une veste avant...

Enveloppé dans un tissu épais, crâne recouvert d'un capuchon, un gant sur une main et un balai dans l'autre, il s'avança vers les fenêtres pendant que je demandais aux petits de reculer au cas où Olivier devrait opérer une sortie d'urgence.

Après avoir réussi à ouvrir bien grand la porte, l'immense frelon de 7 cm prit son temps mais finit par s'envoler... avec un bruit de 747 de mauvais poil... non sans nous jeter un regard mauvais.

Encore tremblants, nous terminâmes notre repas bien refroidi... et Alex saisit encore une fois l'occasion de me ridiculiser...

J'aurais donc dû prendre une photo...

mardi 19 mai 2009

Et le soir...

Quelques mots échangés sous les couvertures, corps contre corps, chaleur apaisante, douillette...

Mon visage se perd au creux de ton cou, sur ton épaule, ta poitrine...

Après une longue journée... comme c'est bon de te retrouver...

lundi 18 mai 2009

Quand la mémoire défaille

Olivier: Tu sais, maman, Nana a compté jusqu'à 30 hier, sans se tromper!!!
Moi: Bravo, Nana!!
Nana: Ah bon???
Olivier: Ben oui, quand on jouait à cache-cache, hier?
Moi: Tu te rappelles pas?
Nana: Ah... non... j'avais pas entendu...

samedi 16 mai 2009

Ah, la vache!!

Quand je vais au grand supermarché, les deux plus jeunes se prennent un caddy d'enfant, ce qui me laisse la liberté de me promener dans les allées sans avoir un chariot à traîner.

Lorsque les courses sont terminées, ce sont Jérémie et Elana, pas peu fiers, qui mettent sur le tapis roulant les divers objets que je leur ai attribués.

La dernière fois, alors que j'étais en train de ranger dans mon cabas ce que les petits sortaient de leur caddy, j'entends Mimi articuler:

- Tiens, ton jus de vache!

Eh oui... il me tendait un litre de lait sur lequel une vache bien grasse ruminait allègrement son carré de tourbe...

Dit comme ça... ça donne pas trop envie de s'en prendre un verre...

mercredi 13 mai 2009

La générosité paie... parfois...

Mardi matin, j'ouvrai les yeux et me levai comme mue par un ressort... Je savais que je devais aller faire des courses, mais ça ne me faisait rien, j'étais forte, j'étais une guerrière et rien ne pouvait m'atteindre!!!!!!!!

Forte de ce sentiment de puissance, je me mis à sourire quand un bruit me remit vite fait les idées en place... Un crépitement d'abord bien distinct, puis des détonations si rapprochées que l'on n'arrivait plus à distinguer chaque impact et mon volet s'éleva en laissant apercevoir un rideau, une avalanche de pluie molle et abondante se laissant tomber lourdement sur les fenêtres, la route, la pelouse... s'affairant à détremper terre, crottes de chien et autres immondices gluants parsemant le chemin menant à l'école.

D'un spasme neuronal, je rangeai rapidement l'idée même du besoin que j'avais de m'approvisionner en denrées alimentaires dans un des nombreux tiroirs de mon cerveau et fermai complètement mon esprit, mes yeux et mes oreilles en passant devant le frigo... Celui-ci, peu habitué à cette indifférence volontaire, émit quelques grognements, puis des gargouillis... et lorsque je ne pus plus différer l'ouverture de sa porte, trembla du tiroir à légumes tout comme la lèvre de Nana quand elle sent que la dispute arrive à grands pas...

Je me servis, puis détournai la tête, bien décidée à ne pas faire de courses, à rester froide à la détresse de cet appareil qui avait pris, il faut bien le reconnaître, de mauvais plis en étant sans cesse chouchouté.

La matinée passa... puis c'est au repas du midi que je finis par céder... le pauvre menaçant de se laisser couler...

Je partis donc à l'école en traînant mon cabas, sous la pluie, attirant les regards compatissants des passants, des larmes sur les joues, affligés par la vue que j'offrais, ployant sous le poids de mon parapluie...

Lorsque j'entrai enfin dans le supermarché, m'attendant à une petite fête, des félicitations pour avoir bravé le mauvais temps... je n'eus rien... rien du tout... qu'un coup d'oeil torve du gérant du magasin, la lèvre tressautant légèrement, faisant poindre une canine luisante de la pointe de laquelle perlait une goutte d'un liquide transparent que je pris avec raison pour de la salive...

Je lui fis part de ma déception, du fait que j'avais marché sous cette tempête monstrueuse rien que pour venir faire mes courses et que je n'avais droit à rien... Sur ce, à ma grande surprise, il retrouva un sourire, esquissa quelques pas de danse formant une chorégraphie si recherchée que je le soupçonnai de l'avoir créée spécialement en vue de cette occasion, entonnant quelques essais sur des notes et dans une langue que je ne connaissais pas...

Je lui jetai un regard méfiant, l'observant du coin de l'oeil afin de parer à une possible agression, puis visitai les rayons, réussissant à accomplir la moitié seulement de ma mission, puisque les patates emplissaient bien mon cabas et je disséminai quelques autres affaires sur les côtés...

Arrivée à la caisse, le même responsable, en grande conversation avec un individu louche, passa mes aliments devant son petit bip et ne cessa de bavarder que pour me susurrer entre ses dents salivantes qu'il attendait de moi la somme de 35 euros!!!!!!!!

Me tournant vers Carine qui attendait son tour derrière moi, je lui jetai:

- Tu te rends compte qu'après tout ce que nous avons fait pour eux, ils nous font encore payer???
- Ah oui, t'as raison... c'est dégueulasse, me dit-elle!!!
- Monsieur, je suis outrée!!!!!! J'ai tout laissé en plan chez moi, mes enfants, ma vaisselle, je suis partie sans même me changer ou me mettre du dessous de bras, j'ai couru, je suis tombée, j'ai reniflé de la boue et des vers de terre dans le seul but de vous divertir parce que vous vous rendez compte que si nous n'étions pas venues vous visiter vous seriez tous restés là à vous emmerder tristement!!!!!!
- Euh, dit l'homme.

Je jetai un oeil à Carine...

- Combien ça coûte, faire venir des gens pour pas s'ennuyer?
- Ben... je sais pas...
- Tu paierais combien, toi?
- Euh... au moins 35 euros!

Me tournant vers le desperado tout à coup tout petit, je lui jetai:

- Et voilà!!!! Alors je te paie et tu me paies ou on fait moitié-moitié?

lundi 11 mai 2009

En avant, toujours!

Je t'ai dit d'y aller, je t'ai exhorté à t'élancer, à t'emmêler aux imprévus, à toujours, toujours foncer droit devant, tête baissée, tel un taureau...

... je t'ai poussé, toi hésitant à t'avancer à terrain découvert, tenté par la stagnation en milieu sûr, j'ai voulu que tu ailles au bout de ton désir, que jamais tu ne regrettes d'avoir eu peur, d'avoir fini par te résigner à force de réfléchir et de passer en revue tous les risques inhérents à la précipitation, la ruée vers le peut-être...

... et j'ai su dès le début, en imprégnant ma vie de la tienne, que nous serions un seul être lorsqu'il s'agirait d'affronter l'adversité, d'assumer nos choix, de répondre de nos actes...

... et pourtant...

... je te sens, au retour d'une longue journée, l'estomac noué par l'angoisse, le stress, la crainte de ce qui nous arrivera...

... moi je te dis que je suis là, que nous sommes là, tous les deux... et que les doigts qui frôlent les tiens, puis s'y accrochent ne sont pas là qu'en passant... ils sont obstinés, tenaces... et m'appartiennent...

... si tant est que l'un de nous deux les contrôlent encore... et les dominent, et les dirigent... et les empêchent d'être fous, de s'empêtrer, de vivre...

... donc...

vendredi 8 mai 2009

Pardon...

Si un jour, après avoir entendu un éternuement retentissant, vous sentez une masse liquide entrer en collision avec votre nuque, s'y étaler puis descendre doucement dans votre cou, dans un chatouillement désagréable, ne m'en veuillez pas...

... c'est que j'ai un gros rhume des foins...

mardi 5 mai 2009

... et si tout basculait?

Le torrent qui nous avait malmenés il y a quelques années a fini par s'apaiser et est devenu rivière, puis fleuve... Les possibilités s'étant multipliées, nous avons vu notre horizon s'étendre à perte de vue, et nous nous sommes laissés porter, évitant comme nous le pouvions les récifs et les quelques pièges qu'heureusement nous arrivions à deviner avant qu'il ne soit trop tard.

Nous avons croisé quelques requins, mais nos explorations nous enchantaient tant que nous les voyions à peine... la tête pleine de ces projets que nous avions fini par abandonner parce que nous nous pensions trop vieux, trop pauvres... alors que nous étions peut-être... trop prudents, tout simplement...

Nous savions, en nous lançant de la sorte, qu'il serait difficile, voire impossible, de faire marche arrière, et pourtant c'est avec une fougue et un bonheur nouveaux que nous sommes partis avec le courant, dans le sillage de ceux qui y avaient cru avant nous...

Tout se déroulait à merveille, quand un matin, alors que le vent qui n'avait fait jusqu'à maintenant que nous servir, nous caresser, ou nous pousser quand le besoin s'en faisait sentir, s'est levé... Accélérant de façon soudaine, nous nous sommes aperçus preque trop tard que le cours d'eau se divisait en deux bras... et qu'il fallait faire un choix... et rapidement!!!!

Le premier nous apparaissait paisible... Le fleuve devenait rivière... puis lac... se refermait sur une eau stagnante dans laquelle se baignaient des gens qui semblaient heureux, calmes... d'une sérénité de qui a atteint son but et ne cherche plus autre chose...

L'autre, au contraire, s'enflammait!!! On ne pouvait voir jusqu'où il menait, mais sur ses bords s'étiraient de longues tiges couronnées d'énormes fleurs dorées débordant de pétales veloutés, des papillons bleus voletaient de l'une à l'autre, battant de leurs minuscules ailes diaphanes... Un monde si plein de promesses que nous étions irrémédiablement attirés vers cette route incertaine...

Nous n'avions qu'à peine le temps de réfléchir...

Propulsés par notre élan... nous empruntâmes ce chemin... et fûmes malmenés par des vagues, des chutes, des remous de précipitation que nous ne gérions pas du tout...

Et tout au bout... qu'est-ce qui nous attend? Y a-t-il une clairière ou un gouffre? Qu'est-ce que cette lueur que je vois poindre à l'horizon?

Nous ne savons pas où tout cela nous mènera, nous ignorons si au bout du compte nous avons fait le bon choix... mais nous l'assumons... à deux... comme nous avons toujours fait.

Et si tout basculait?

On s'en fout!! Au moins, nous aurions pris des risques, nous aurions cherché, expérimenté, goûté...

Tiens-moi la main... tu es ma force...

lundi 4 mai 2009

La grande arnaque

- Ok, maman, je chante en faisant mmm-mmm et toi tu devines quelle chanson je chante?
- D'accord, vas-y!
- Mmmm-mmm-mmmmm-mm-mmm...
- Euh... A la claire fontaine?
- Non!!! C'est Je grandis, je grandis...
- Ah oui... je l'avais pas reconnue!!
- J'en fais une autre, écoute bien!!!
- Ok!
- Mmmmm-mmm-mm-mmmm-mmm-mmm...
- C'est encore Je grandis?
- Non!!!!
- Ah... je ne vois pas du tout...
- C'est Je me promène!!!
- Mais je ne la connais pas, celle-là!!!
- Ben non!! Tu peux pas!! Je l'ai inventée!!!
- Alors comment veux-tu que je la trouve?
- Tu la trouves pas!! Je te le dis, c'est tout!!! Tu peux pas la trouver, maman!! Ah ah!!!
- Ah ah...
- Hihihi...
- ...

dimanche 3 mai 2009

Rivière et grand-mère

Il y avait cette rivière qui traversait la ville d'Amos; une rivière qui n'avait que peu de charme à mes yeux d'enfant, puisqu'on racontait qu'elle n'avait pas de fond, et que si l'on y tombait on était irrémédiablement attiré vers ses profondeurs abyssales peuplées de monstres tous plus horribles les uns que les autres...

Sur le pont qui la chevauchait, je me suis souvent arrêtée afin de contempler ces eaux boueuses, ces remous brunâtres, cette démonstration de puissance effrayante dont la fausse somnolence hivernale a emporté plus d'un être humain dans la mort...

C'était la rivière Harricana qui serpentait à travers l'Abitibi, arrosant les villages bâtis sur ses rives, voie d'eau navigable principale du nord-ouest québécois, impressionnante autant par ses menaces que par ses largesses.

Ma grand-mère habitait une maison tout près de cette grande rivière, juste à côté d'une résidence pour personnes âgées, le Foyer Saint-Joseph.

Au rez-de-chaussée de chez elle se trouvaient les pièces à vivre, la chambre de grand-maman et celle de grand-papa. Personne ne couchait plus en haut depuis le départ du dernier des enfants, et pour moi c'était un petit monde caché, comme dans les films que je regardais, les histoires qui me fascinaient, peuplées de fantômes d'enfants apparaissant dans de vieilles maisons, ou de mystères irrésolus que des fillettes de mon âge mettaient au jour...

Puis j'y ai trouvé une allumette en bois posée sur un bureau... je devais avoir 5 ou 6 ans... La prenant dans ma main, j'ai eu l'idée de la frotter sur le bois, doucement... en me disant que ça ne l'allumerait pas... mais en ayant un frisson délicieux de crainte enfantine qui devint terreur lorsqu'une flamme se forma dans un grésillement sulfureux...

De peur, je la lançai et m'enfuis dans l'escalier, non sans un dernier regard vers l'allumette retombée sur le lit... une petite flamme toujours dansant à son extrémité... et j'attendis de longues minutes, de longues, longues minutes que de la fumée apparaisse, que des flammes se fassent entendre, qu'une lueur attire quelqu'un vers le premier étage, quelqu'un qui redescendrait en hurlant "Au feu!"... avant d'y retourner et de constater que si elle était encore au même endroit, elle avait fini par s'éteindre d'elle-même sans provoquer la moindre panique.

Quelques heures, quelques semaines ou quelques années plus tard, je ne sais plus, quand le Foyer Saint-Joseph disparut dans un immense brasier, je me sentis bizarrement un peu coupable... sans raison logique!

Chez grand-maman, il y avait une chute à linge, c'est-à-dire un tunnel vertical prenant naissance dans une armoire de la salle de bain et descendant au sous-sol, juste à côté de la laveuse... ce qui permettait de lancer ses vêtements souillés dans le trou au lieu de descendre les porter à chaque soir...

Ma cousine Sarah et moi avions l'habitude de descendre par la chute à linge jusqu'au sous-sol, ce qui nous plaisait bien... et faisait le malheur de grand-maman qui nous disputait tant bien que mal lorsqu'elle nous prenait en flagrant délit... ce qui ne donnait rien, bien naturellement!!

Qu'est-ce que ça pouvait bien faire? On ne pouvait pas se faire mal, franchement!!! Ah, les grand-mères!! Toujours inquiètes!!!

Ce n'est que plus vieille que j'ai réalisé que cette chère dame avait certainement peu de crainte pour notre intégrité physique... en fait, je pense que ça l'écoeurait un peu de nous voir marcher allègrement dans les vêtements sales de nos grand-parents!!!

Il était facile de descendre, un peu moins de remonter... et lorsque la croissance nous fit prendre des formes, nous finîmes par cesser... au risque de rester coincées... Il faut dire qu'à ce moment-là, le but était principalement devenu d'agacer notre aïeule...

Quelques souvenirs notés au fil du temps... pour mes enfants... sachez que votre arrière-grand-mère avait une chute à linge qui a fait le bonheur de votre maman... et que la rivière Harricana l'impressionnait... par sa puissance autant que ses énigmes.