La compensation adaptée

Lorsque les temps sont durs et que plus rien ne va et que passer à travers une journée en donnant le change aux enfants et en souriant à tout le monde est extrêmement épuisant, il est bon d'avoir une occupation enveloppante, un passe-temps tournant à l'obsession, demandant une telle concentration que le reste s'enfuit vers on ne sait quoi, quelques instants... un moment de répit... et quand on est au régime on ne peut pas se réfugier dans le réconfort d'une énorme tablette de chocolat aux amandes...

C'est en cherchant ce genre de distraction fascinante que je suis tombée un soir, en furetant dans ma bibliothèque, sur le premier tome de la trilogie Millenium de Stieg Larsson...

Je n'ai pas envie de vous raconter l'histoire, je n'ai pas de mots pour vous expliquer à quel point c'est prenant...

Tout ce que je peux vous dire est que j'ai du mal à m'en détacher et que je cherche les occasions de m'y replonger, laissant libre cours à une passion obsessionnelle pour les personnages de ce roman qui, une fois refermé et reposé sur l'étagère, a galamment passé le relais au tome 2 que je suis en train de lire...

J'ai mis trois jours à dévorer le premier à grosses bouchées gourmandes, sans prendre le temps de titiller, de suçoter, je l'ai englouti voracement et si rapidement que si je n'avais pas eu le deuxième sous la main j'aurais pu commettre un acte irréparable...

Et lorsque le second volet sera engouffré? Hein??? Vous croyez que je me laisserai couler au fond du gouffre????

Ah aaaah!!!! Non!!!! J'ai le troisième gros bonbon qui me fait de l'oeil chaque fois que je frôle la bibliothèque d'une hanche encore rebondie mais qui fait des progrès... Je le regarde furtivement, sans qu'il le remarque... mais je salive déjà en me disant que bientôt il sera à ma merci...

Et ensuite???

Ben... on verra... Peut-être qu'on ira mieux!!!

... et c'est tout!

Un petit dialogue absurde comme nous avons parfois Alex et moi et qui me fait rire... parce qu'on s'écoute!!

- On finit toujours par se faire avoir, quand même...
- Eh oui...
- On est bons là-dedans, par contre... on se fait avoir en beauté...
- Oui, on est bien, nous, quand on se fait avoir...
- Oui... on en est fiers...
- Oui...
- ...
- ...
- Mais ça fait quand même chier...

Et le système D?

En ce moment, nous avons quelques difficultés financières dues à de petites négligences de la partie virile de la famille quant à la facturation de certains travaux.

Et qu'y a-t-il de positif à avoir le portefeuille vide et les poches pleines... de poussière???

Nous pouvons, lorsque nous sommes aussi intelligents et débrouillards que nous, en profiter pour fouiller dans nos armoires à bouffe afin de dénicher les quelques ingrédients pourrissant en attendant que leur date de péremption soit dépassée... Cette période de disette leur évitera-t-elle de finir à la poubelle?

Que pouvons-nous faire avec cette boîte de haricots secs ouverte depuis 4 mois? Des fèves au lard, pardi!!!! Et ces vieilles carottes toutes noircies mais que si on gratte un peu on voit qu'elles sont orange??? Quoi de mieux qu'un superbe gâteau aux carottes fleurant bon la cannelle dans lequel nous aurons soin d'intégrer les bonnes noix de Grenoble que notre charmant voisin nous a offertes???

Quoi??? Nous sommes au régime????

Alors il est temps de profiter de la situation pour offrir aux autres de bons petits plats tout en faisant des mines de martyre afin de forcer leur admiration envers notre esprit de sacrifice!!!!

- Mais Danielle, tu n'en manges pas????
- Non... tu sais... mon régime...
- Un petit morceau??? Il est tellement bon!!!!!
- Ah merci, mon amour... mais je me sacrifie sur l'autel du bourrelet fondant... Non... arrête, ne me tente pas... je ne saurais plus résister...

C'est également le moment ou jamais de s'adonner au recyclage!!! Ces crottes de lapin ne pourraient-elles remplacer des raisins secs ou des pépites de chocolat dans de délicieux biscuits?

Pourquoi ne pas lécher tous ces claviers d'ordinateur amassant depuis des mois miettes de gâteaux et autres cochonneries avant de les secouer au-dessus de notre bouche grande ouverte et ainsi constituer un délicieux dessert?

Et les lapins... que dire des lapins...

Il est peut-être temps de leur dire adieu... et ainsi arriver à se concocter un civet goûteux accompagné de pommes de terre puisque ça... on n'en manque pas!!!

Il est surtout temps, nous direz-vous, de donner des coups de pied aux jolies fesses de notre mari afin qu'il se prenne en main et s'adonne enfin à la facturation???

Eh bien c'est fait!! Il travaille fort, un coussin sous son postérieur maintenant douloureux... et nous attendons que des clients charitables décident de nous payer...

En attendant... nous aspirons goulûment les armoires, les grains de sucre, le fond du tiroir à légumes...

... et les enfants?

Pour une fois qu'ils ont le droit de manger leurs crottes de nez!!! Ils sont bien contents!!!!

La vengeance de Nana

Au lever tout le monde a la flemme... Alex a du mal à partir travailler, Olivier traînasse à la table de la cuisine avant de s'en aller à l'école, et les deux plus jeunes, en congé du mercredi, n'ont pas du tout envie de sauter dans le bain...

Si Elana éprouve un plaisir fou à se baigner en compagnie de son grand frère Jérémie, celui-ci a plutôt des envies d'être grand et préfère de loin se prélasser tranquillement puis se laver, seul, avec une maman simplement à portée de voix.

Nana, frustrée de voir sa demande de baignade communautaire rejetée, refuse de prendre son bain la première... Et Jérémie, qui n'aime pas du tout se contenter des restes, lui emboîte le pas... On ne la lui fera pas!!! Lui non plus ne se lavera pas le premier et le fait que personne d'autre n'a besoin d'y passer n'entame pas du tout sa détermination.

Désireuse de mettre fin aux tergiversations, je propose un tirage au sort accepté suite à quelques cris de terreur parce que bon, il y a quand même un risque que l'un des deux doive y aller, non???

Je trace un gros 2 sur un bout de papier que je cache dans ma main, puis je leur demande de nommer à tour de rôle un nombre de 1 à 10 après leur avoir expliqué que celui qui donne le bon numéro sera l'heureux premier nettoyé, ils s'exécutent...

C'est Jérémie qui finit par donner le 2 et qui se retrouve, de mauvaise grâce et en quelques secondes, tout nu dans une baignoire en cours de remplissage... et Nana jubile, fière de s'être ainsi bien vengée du refus de son frère adoré!!!

Et non contente de cette victoire, alors que Mimi sort de la marmite, elle me demande de refaire le tirage au sort et me promet de dire le numéro 2...

- Nana, tu donnes un chiffre?
- Euh... (intense réflexion)
- Oui?
- Euh... 2

Je lui montre le même numéro que tout à l'heure sur le papier et la voilà qui saute de joie tout en se déshabillant...

Et c'est là que l'on peut tout comprendre... lorsqu'elle passe à côté d'un Mimi grelottant:

- Tu vois, Jérémie, moi je pleure pas comme toi quand je dis le numéro!!!

C'est pas horrible, ça????

Compréhension à la Jérémie!

- Maman, ça a été un petit peu bien pour moi à l'école ce matin.
- Ah, c'est bien... Juste un petit peu?
- Oui, mais c'est un petit peu bien, hein, maman?
- Oui, c'est vrai!
- Et la maîtresse elle a dit que si on faisait une faute on avait un point et moi j'ai pas eu de point.
- Et t'as fait une faute?
- Oui, mais j'ai pas eu de point...
- C'était pas si tu faisais pas de faute que t'avais un point?
- Oui, mais j'en ai pas eu...
- Ah...
- Une chance, hein?
- Ben... oui...

Père et fils

Jérémie, sur les genoux d'Alex, profite du moment pour se laisser aller contre son papa qui l'a encerclé de ses deux bras et le presse contre sa poitrine...

De loin, attendrie, je les écoute s'aimer... à leur manière... discutable...

Alex: Aah, Jérémie, mon Mimi à moi... Tu te rappelles quand on te jetait contre le mur?
Jérémie: Ah... non... je me rappelle pas...
Alex: C'était bien... et quand on te marchait dessus tu te rappelles?
Jérémie: Non, je me rappelle pas non plus... c'est pas vrai, hein, papa?
Alex: Et quand on te mettait couché contre la porte, l'hiver, pour bloquer l'air froid?
Jérémie: Non...

Et on appelle ça un père!!!!!

Le corps humain à l'honneur

Le sujet du jeu familial de ce midi est "Nommez des parties du corps"...

Après avoir énuméré quelques membres et organes tels que bras, bouche et yeux, nous épuisons peu à peu les idées... surtout en ce qui concerne les plus jeunes qui n'ont jamais entendu parler du cubitus ou de l'oesophage...

C'est au tour d'Elana qui cherche... puis va pour renoncer mais:

- Je sais, je sais!!!! Un crou de fesse!!!!!

Hem... soyons éducateurs!!!

- C'est une bonne idée, Nana, mais ça s'appelle comment en réalité?
- Euh...

Preux chevalier, Jérémie, très sérieux, vole à la rescousse de sa petite soeur:

- Un trou de cul!!!

Bon... reprenons, par ordre alphabétique...

La super maman

Olivier et moi discutons du fait qu'il n'a pas de maman cool comme des copains à lui qui ont vraiment des mamans super hyper cools...

- Mais je ne comprends pas, maman, pourquoi moi je suis tombé sur toi alors que le hasard aurait pu me faire naître dans une famille où j'aurais eu tout ce que je voudrais!!!
- T'aurais pu naître aussi dans un pays en guerre et mourir déchiqueté à 8 ans...
- Oui, c'est vrai, mais avoue que c'est injuste!
- Moi, je pense que t'as dû être vraiment insupportable dans une autre vie avec ta mère...
- Pourquoi???
- Comme ça, c'est ta punition aujourd'hui d'être avec moi... Ce qui voudrait donc dire que ma mission est de venger ton ancienne maman...
- Mais tu serais pas obligée...
- Je fais tout avec coeur, mon cher fils...
- Et moi?
- Eh bien tu pourras te venger dans une autre vie...

La grosse déprime

Les arbres se dénudent, les trottoirs se couvrent de feuilles séchées, l'air devient de plus en plus froid et la pluie glaciale...

Les supermarchés, à l'encontre de la nature, prennent peu à peu des couleurs annonçant déjà, trois mois à l'avance, le temps des fêtes...

Et comme à chaque année, pour moi, c'est le pire moment... Les rassemblements familiaux se préparent, on fêtera avec les oncles et les tantes que l'on n'a pas vus depuis le dernier Noël et ça a peut-être son côté kitsch, et on se sent peut-être obligé d'y aller... mais moi qui ne peux plus être de la partie, moi qui ne participerai plus jamais à un repas des fêtes avec les goûts, les odeurs et les gens de mes souvenirs d'une autre époque... ça crée un grand vide à l'intérieur.

Pour tenter de compenser un peu tout ça, je cuisinerai encore des tourtières et des petits fours de chez nous, je reprendrai une partie des kilos que je suis en train de perdre, et ensuite la vie continuera...

Les odeurs se dégageant de mes petits plats m'enchanteront, et je fermerai les yeux afin de me concentrer sur ce qu'elles me rappellent... Mes paupières fermées feront office d'écrans sur lesquels je verrai se projeter une autre vie qui n'est plus la mienne.

Et à quoi ça sert de se faire du mal avec des saveurs qui n'ont rien d'autre que du goût, avec des odeurs qui ne viendront pas donner à une soirée une dimension familiale différente? A quoi ça sert de penser que ma mère aurait adoré rire avec Nana et cajoler Mimi, que mon père aurait aimé discuter avec Olivier? Ca me donne quoi de me bercer dans mes souvenirs?

Je ne sais pas... vraiment...

Cette année, je pense que ce sera particulièrement difficile... parce qu'il y a moins de contacts, moins de voyages ou de surprises... Ou alors c'est un cap... les 7 ans, comme pour un couple...

Toujours est-il que je monte facilement sur mes grands chevaux, je suis de mauvaise humeur, sur la défensive... et surtout triste...

Mais pourquoi... ça... c'est la question difficile...

De l'homme à la truite

"Quand je serai une truite, j'irai vivre dans l'eau", chante Alex pendant que je ronchonne, comme à presque tous les soirs, en faisant la vaisselle...

- Ce sera long???
- Quoi???
- Avant que tu deviennes une truite???
- Euh...
- ...
- Non... ça va très vite, ça!!!
- Ah bon...
- Oui... Toi, ça a pris quoi? Deux-trois mois??

Bon... et moi... je n'arrive jamais à réfléchir assez vite pour répondre du tac au tac...

Pfffff.... Une truite... et puis quoi encore??

Et puis... rien...

Il faisait froid, l'air était sec... et le soleil diffusait une tiédeur parcimonieuse qu'il fallait savoir saisir lorsqu'elle venait nous frôler...

Sur le sol s'étalaient des feuilles, des glands, des châtaignes que des promeneurs courbés ramassaient puis entassaient dans des grands sacs. Dans ma tête flottait les images du marché de Noël de Kaysersberg et mes papilles se souvenaient fort bien du goût et de la texture des marrons chauds qu'on y vendait...

Nous avons ramassé feuilles colorées et hélicoptères parcheminés porteurs de la semence de ces arbres désireux de perpétuer leur essence...

Nos pieds faisaient crisser les feuilles et les odeurs mêlées de noisettes, de terre et de froid me ramenaient à d'autres automnes sous d'autres latitudes...

Les poubelles alsaciennes

Chez nous, on a décidé de donner un grand coup pour l'environnement!!!!

Nous changeons complètement notre système de ramassage des poubelles, et non seulement le contribuable avec 3 enfants paie près de 400 euros par année de taxe supplémentaire, mais de plus il a intérêt à bien trier parce que sinon on lui laissera ses cochonneries au bord du chemin et il n'aura qu'à s'en mordre les doigts...

Mais là, et c'est la force de cette grande décision de tout remettre à jour, il fallait que ça paraisse!!!! Nous avions des poubelles à couvercle vert pour les déchets dégueus genre vieux spaghetti moisi voisinant avec des pelures de pommes de terre, et une poubelle recouverte d'un beau brun caca pour les déchets recyclables... Donc, afin que tout se voie, les employés de la compagnie SMICTOM qui s'occupent de nos résidus n'ont pas simplement modifié leurs règles de tri... Non non!!!

La compagnie a loué des camions à profusion qui ont rejeté du gaz carbonique dans l'atmosphère en allant échanger les poubelles présentes, vertes et brunes, contre d'autres identiques, mais jaunes et grises, neuves!!!

Pendant des jours ils ont sillonné les rues, ramassant les vieux bacs à ordures, débarquant les nouveaux... A quoi ça sert??? Quand on se préoccupe de l'environnement, je pense qu'on tente de garder les anciens et de leur appliquer les nouvelles règles...

De plus, ils ne se font pas chier!!! Si un malencontreux morceau de polystyrène ne réussit pas à se cacher derrière un bout de carton et qu'ils le voient lorsqu'ils font leur vérification - pour laquelle ils reçoivent, bien sûr, un salaire -, ils avertissent les gens et au cinquième avertissement, ils leur enlèvent leur bac jaune et les condamnent donc à quoi???? A arrêter de trier??? Belle affaire!!!

Il y a 17 logements à mon adresse... Nos poubelles sont en commun... Est-ce que c'est normal que nous soyions dorénavant chargés au poids??? Ces mesures sont supposées être là pour inciter les gens à acheter moins d'emballage superflu... mais qui me dit que je ne paierai pas pour les cochonneries des autres?

Un remaniement plus que suspect d'après moi... L'environnement??? La belle affaire...

Ma belle-mère, il y a quelques années, a dû acheter à la compagnie les poubelles qu'elle avait... pourtant, ils sont allés les lui prendre et lui en ont laissé d'autres qui ne lui appartiennent pas... De toute façon, qu'est-ce qu'elle ferait de deux gros bacs en plastique, me direz-vous? Eh bien je ne sais pas, mais la moindre des choses aurait été de jouer la carte de l'honnêteté.

En plus de la redevance audiovisuelle, de la redevance des ordures ménagères, des compteurs d'eau, de la taxe carbone qui s'en vient, il y aura bientôt une taxe pour l'utilisation d'internet... en supplément de l'achat de notre accès...

A quand un compteur d'oxygène afin de taxer l'air que l'on respire?

Chantage culinaire

Je suis allée chercher Nana à l'école après être allée faire les courses... J'ai mon cabas plein, il pleuviote, je marche d'un pas rapide et ma vieille crapule, fatiguée, fait exprès de traîner la patte en suivant de loin, ce qui m'horripile totalement!!!

- Nana, dépêche-toi un peu!!
- Mais je suis fatiguée...

Sur ce, mademoiselle se laisse tomber, assise sur le trottoir mouillé de la fine pluie qui me recouvre maintenant entièrement...

- Bon, alors Nana, je m'en vais!! Toute seule!!
- Alors tu m'auras plus!!
- Je regarderai les photos de toi!!
- Et si je me fais écraser en traversant la rue?
- Je te mangerai en steak haché demain midi!!!!
- C'est même pas vrai!!!!
- Un petit steak haché qui s'appelle Nana... snif...
- Aaah!!! Arrête!!!!!
- Je vais pleurer en le mangeant...

Et voilà!!! Tout en devisant de façon aussi légère et éducative, nous nous sommes rendues à la maison!!!

Non, ma Nana... Pour rien au monde je ne te mangerais en steak haché!!!

L'histoire vraie

C'est l'histoire du papa qui dit:

- Jérémie, tu veux que papa te raconte l'histoire du papa qui puait de la bouche?

Jérémie, qui est venu rejoindre ses parents dans leur lit, tôt le matin, le regarde, tout heureux de cette surprise inattendue.

- Oh oui, papa, répond-il.

- Cette histoire, il faut l'écouter tout près de moi... il faut que tu me regardes les yeux dans les yeux...

Grimpant sur son papa, Jérémie place son nez tout contre celui de son paternel qui commence son histoire:

- C'était une fois un papa qui ne sentait pas bon de la bouche...

Je vous laisse imaginer la suite...

L'enfant qui rend fou

Au matin, sur le chemin de l'école, Jérémie m'annonce que nous avons oublié les étiquettes de lecture à la maison... Je lui dis que nous les emmènerons cet après-midi... et c'est le moment que choisit Elana pour s'en mêler...

- Jérémie va les emmener dans l'autre école?
- Non, il va les emmener dans son école cet après-midi!
- Mais dans l'autre école?
- Quelle autre école?
- L'autre école!
- Son école à lui!!
- Oui, mais dans l'autre ou dans celle-ci?
- Euh... Je ne comprends pas, Nana!! Il va les emmener dans son école, pas dans la tienne...
- MAIS JE SAIIIIIS!!! Mais dans l'autre????
- Mais c'est quoi l'autre?
- MAIS L'AUTRE!!!!!!!!!!
- L'AUTRE QUOI??????
- Celle de maintenant ou l'autre après qu'on a mangé?
- Aaaaaaaah!!!!

On pourrait croire que jamais nous ne lui avons expliqué la différence entre le matin et l'après-midi... et pourtant...

Non, ma fille n'a pas vécu sous terre avant aujourd'hui...

... et un jour sans...

Même si tout semble bien aller en surface, un malaise indéfinissable se mêle au quotidien, vient alourdir l'ennui de ma routine, augmenter le sentiment de ne pas être à la hauteur devant l'ampleur du travail de bureau à effectuer, considérant le nombre d'appels que je dois faire avant de comprendre ce que l'on attend de moi...

... parfois les cris des enfants, les demandes incessantes, les pleurs, les dénonciations, les menaces, les négociations interminables coupées court par une punition me laissent si lasse, si insatisfaite de moi, avec une envie folle de m'enfermer, toute seule, et de simplement m'enfouir sous une couverture, roulée en boule, dans une chaleur étouffante...

... parfois je me sens simplement moche, j'ai le sentiment que je ne sers à rien, que ce que je fais est nul...

... parfois, dans ces moments-là, tout comme ce soir, tu arrives, fatigué par ton travail physique et je tente de donner le change malgré mes sentiments à moi... et alors que je vaque par habitude à des occupations qui me tentent autant qu'une nuit avec Sarkozy, tu viens, tu m'enlaces... et tu me glisses à l'oreille: "T'es mignonne, ce soir..."

Moi, mignonne??? Moi qui me sens vieille et laide, moi qui me sens bedonnante et ridée, impatiente et mauvaise mère, mauvaise secrétaire, même pas capable de passer l'aspirateur dans tout l'appart parce que j'ai la flemme, que j'ai envie de pleurer sur tout et rien, sans raison???

Et je pense que tu ris de moi, comme souvent, mais là c'est pas le moment, tu vois... et alors que je m'apprête à te faire remarquer que c'est loin d'être drôle, je me rends compte que t'es sérieux...

... ce qui me fait comme une chaleur au creux du ventre... et j'ai hâte de me coucher contre toi et de sentir ton ventre dans mon dos et tes bras autour de moi, j'ai hâte d'emmêler mes jambes aux tiennes si fort... dans une étreinte de fin du monde parce que lors de journées comme ça... ce dont j'ai le plus besoin, c'est de sentir que pour toi, je suis irremplaçable...