dimanche 10 février 2008

Dérive océane

Je t'ai regardé disparaître... je t'ai suivi des yeux, observant ta silhouette diminuer doucement, jusqu'à se perdre dans le néant...

Mâchoires serrées sur un reproche muet, je suis restée longtemps immobile, les yeux rivés à l'endroit précis où je ne t'avais plus vu... attendant une quelconque réapparition; le prodige qui ne venait pas... qui ne viendrait plus jamais puisque cette fin, cette mise à mort de notre vie commune ne pouvait connaître de renaissance...

J'ai marché... longtemps...

Sur le bord de l'océan, sous un coucher de soleil finissant à moitié caché par d'énormes nuages gris annonciateurs de révoltes dévastatrices, j'ai fait bouger mes jambes, l'une après l'autre... et j'ai laissé mon esprit vagabonder, me rappeler tout ce que nous avions vécu et que tu avais pris la décision d'effacer, d'un coup de baguette magique empoisonnée...

Dégoûtée de ma solitude présente, partagée entre ce que représentait demain et ce qui se passait maintenant, je laissais mes orteils nus tracer des sillons dans le sable épais et foncé, gorgé d'eau de mer nourrissant la faune disparate peuplant les profondeurs des grèves.

J'ai humé les relents d'algues humides et de poisson mort... odeur putride et répugnante qu'auraient à jamais les souvenirs de nos derniers instants...

Ô toi, que ne m'as-tu quittée dans un décor de rêve avec lequel j'aurais pu envelopper ces réminiscences... mettre du rose, du bleu, de l'orange et du vert sur ces moments de tristesse; parer de dentelles et de fioritures dorées les engueulades, les nostalgies; mettre du sucre vanillé sur les langues de vipère; du chocolat et des cerises sur les mots qui blessent, qui tuent, qui torturent...

Je me suis accroupie, j'ai léché distraitement le sel déposé par le vent venant de la mer sur le dos de ma main, puis j'ai élevé mon visage vers le ciel dont la chaleur est venue tenter d'assécher les larmes qui couvraient mes joues sur lesquelles les années débutaient leur emprise...

L'envie folle de creuser me prît soudainement... je me mis à arracher de mes mains tremblantes des poignées de sable de plus en plus frais à mesure que j'y enfonçais mes doigts palpitant du désir de concentrer, sur cette activité vaine mais déchaînée, tout ce que je ressentais de fureur ravageuse...

La solution était là, tout au fond de cet immense carrière que j'avais créée... un secret si dur, si pur... une clé de fiel pleine de joie venimeuse que tu m'avais laissée en héritage...

Les rares touffes d'herbe frémissaient... se couchaient lorsque le vent se faisait plus fort, passant du chuchotement au chant; de la parole au hurlement...

Emportée par la colère que je ressentais et que le vacarme de la tempête qui se levait exacerbait, je me suis mise à courir contre le vent, braillant des imprécations à ton endroit, incapable de m'arrêter; toujours criant, toujours beuglant...

Au paroxysme de mon désespoir insupportable de réalité, je me suis laissée tomber près de l'eau agitée... je l'ai observée, bouillonnante et pourtant fascinante... appelant de ses machiavéliques mélopées tous ceux qui lui appartenaient...

J'ai voulu m'extraire; fuir l'histoire que tu m'avais écrite dans un instinct ancestral de survie... puis j'y suis entrée... ma douleur était tienne...

Je t'ai haï, mais je t'ai suivi... me laissant emporter à jamais par ce flot noir que tu avais choisi pour me remplacer; obéissant à ton image éthérée m'enjoignant de ne jamais t'abandonner...

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