mardi 29 avril 2008

Lettre à toutes celles qui ont choisi

Toi, ma belle...

Ma toute petite qui a choisi de garder un enfant que tu avais dans le ventre parce que tu y croyais, à cette société, à la famille, à ce que toi, tu voulais faire de ta vie et de ton avenir que tu voyais encore tout rose...

Tu as appris bien vite qu'il y a, dans le monde, ceux qui, dès l'aube de l'adolescence, savent déjà ce qu'ils veulent faire de leur avenir et foncent toujours dans la même direction, sans jamais relever la tête, sans cesse écartant de leur trajectoire tous les obstacles à la réussite de leur projet. Ces gens-là, souvent, sont ceux qui "réussissent"... parce qu'ils ont quitté l'enfance plus tôt que toi... parce qu'ils ont compris, eux, que l'on doit faire des choix cruciaux pour son avenir à des âges où une grande partie des jeunes sont encore trop enfants pour bien en voir toutes les conséquences.

Toi, tu es restée naïve longtemps... A vingt ans, tu imaginais encore un monde tout en dentelles qui te permettrait de réaliser ton rêve de petite fille... Tu faisais partie des autres; de ceux qui ne sont pas encore prêts à prendre les décisions encadrant leur futur.

Et lorsque tu as commencé à réaliser que la vie ne serait nullement comme ce que tu croyais et que les choix que tu avais faits étaient centrés sur un objectif que tu n'atteindrais jamais, tu en as parlé autour de toi... Tu as pleuré, puisque tu devais faire le deuil de cette vie de conte de fées... Tu t'es endurcie, tu n'y croyais plus, et tu t'es rendue compte à ce moment que tu ne pouvais plus revoir les options! Il fallait que tu continues de l'avant avec le handicap que "trop tard" arrive très vite aujourd'hui!

Durant cette prise de conscience, certaines personnes t'ont culpabilisée, te disant que tu avais fait des choix que tu devais assumer et que si eux avaient fait les mêmes que toi, ils assumeraient... Ils t'ont dit qu'eux n'auraient jamais fait ces choix. Ils t'ont dit qu'eux ne se laisseraient pas abattre comme tu le fais. Ils t'ont dit qu'eux ne se laisseraient pas prendre du poids comme tu le fais parce que tu ne comprends plus ce monde qui te fait peur et que tu te laisses aller, porter par des forces que tu ne cherches plus à combattre... On t'a prédit un avenir marginal, à l'extérieur de la population active... à l'extérieur du monde qui bouge... tu as accepté, tu t'es résignée mais tu enrages... Tu as honte de ta candeur, honte de toi.

Si tu es chanceuse, tu as rencontré des gens qui t'ont écoutée, et t'ont aidée à faire le deuil de ces idéaux... Ils t'ont encouragée peut-être à ne pas baisser les bras, à voir que tu étais jeune encore!

Moi, je te dirai simplement que la vie est souvent injuste. Les décisions que tu as prises trop jeunes sont à assumer parce que tu n'as pas le choix; parce que personne ne peut le faire à ta place. Mais tu n'as pas à écouter tous ceux qui te disent que tu as choisi ta vie... sous-entendant par là que tu es une ratée... alors que tu voulais plein de belles et bonnes choses pour toi et tes enfants, pour ton homme, ta famille et l'amour que tu avais pour le monde.

Je veux surtout te dire de continuer à croire... que viendra un jour un moment où tout cela n'aura plus la même importance.

J'ai souvent entendu dire que la vie débutait à 40 ans... Je n'y ai pas cru, comme tous les jeunes, puisqu'on croit souvent, lorsque l'on en fait partie, que la vie, c'est la jeunesse...

Mais aujourd'hui, je comprends... Aujourd'hui, je peux constater que mes rêves n'ont jamais été ridicules... que je me sens beaucoup mieux dans mon corps et dans ma tête qu'à vingt ou même trente ans.

Je me sens plus jeune parce que je me laisse enfin aller à être moi-même... je suis en paix avec mes envies, la réalité parfois cruelle, et mon entourage, l'environnement que j'ai apprivoisé comme mes faiblesses ainsi que celles de ceux que j'aime et qui n'en sont que plus humains.

Toi, ma belle, ma toute petite... toi qui, pleine d'espoir, a fait des choix d'un autre temps, dis-toi que ce n'est pas toi la coupable, mais bien ceux, souvent, qui ne prennent pas assez le temps de t'apprendre la réalité... et qui après se complaisent à te mettre le nez dans ce que tu as fait par amour.

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