mardi 15 juillet 2008

Mère et fille!

Tu sais, ma puce, mes matins débutent toujours par un regard à ton sourire, à tes yeux, à ta main pliée vers ta bouche rongeuse d'ongles... Je te fais un bonjour silencieux, toi qui es loin et pourtant mon enfant.

A l'aube de l'adolescence, après une année passée en France, tu as pris la dure décision de la quitter pour repartir vers le Québec, tes amies et ton père... en fait, vers une société dont tu connaissais les règles et dans laquelle tu avais appris à évoluer.

Je ne me suis pas opposée à ton départ parce que je savais mieux que personne les brimades, les insultes et les humiliations que tu avais eu bien du mal à encaisser tout comme mon incapacité à te venir en aide, aussi ignorante que toi, aussi maladroite que toi dans ma façon d'appréhender ces gens, ce système.

Lorsque tu es partie, je me suis fermée... parce que Jérémie venait de naître et que je devais lui consacrer toute mon attention; parce qu'Olivier était là aussi, qu'il commençait l'école et que je devais aussi m'occuper de lui... J'ai fui dans le travail et les responsabilités cet abîme qui s'était creusé à l'intérieur de moi, cette déchirure encore mal cicatrisée aujourd'hui.

J'ai vécu de longues soirées d'angoisse quand, à 14 ou 15 ans, tu fuguais... J'étais trop loin pour intervenir, je ne pouvais qu'attendre un appel, un message m'annonçant ton retour ou encore mieux, une amélioration de ta situation.

Je t'ai vue hésiter à entreprendre des études poussées, je t'ai entendue me faire part de ton manque d'intérêt et de motivation pour quoi que ce soit...

Il y a un an, tu as pris la décision d'arrêter l'école... à 17 ans... Je t'ai appuyée car je savais bien qu'il ne servait à rien que tu t'entêtes à aller vers quelque chose que tu ne finirais pas ou à tout le moins que tu n'aimerais pas dans le seul but de faire plaisir à tes parents. Je t'ai appuyée parce qu'il est absolument inutile de travailler d'arrache-pied pour une chose en laquelle on ne croit pas.

Je t'ai vue, alors, grandir... j'ai vu la petite fleur toute rabougrie, étouffée par le sentiment de n'être bonne à rien, s'étoffer, se relever...

De téléphone en téléphone, de semaine en semaine et de mois en mois, j'ai assisté à ton essor! Tu t'es retroussé les manches, tu as travaillé, tu as gravi des échelons et tu es devenue responsable et respectée!!! A 18 ans!!!

Peu m'importe que tu sois employée dans un fast-food, ou que tu n'aies pas 56 diplômes sur lesquels asseoir des lauriers gagnés sur des bancs d'université!!!

Tu as l'air mille fois plus heureuse et épanouie depuis que tu as quitté ce carcan! Je sais que dans la vie tu t'en sortiras... Tu es débrouillarde, tu as la gniaque, tu es gentille, patiente, et loin d'être conne!!!

J'ai su récemment que tu habitais maintenant un appartement... Ton chez-toi, ton petit nid que tu arrangeras à ta façon, en compagnie de cet homme, ton conjoint, que je n'ai jamais vu...

Si tu savais à quel point j'aimerais aller visiter cet endroit que tu as choisi, rencontrer ce garçon que ton coeur a élu... comme j'ai envie d'aller faire les magasins avec toi afin de t'aider à t'installer... rire, te regarder, te serrer dans mes bras!!!

Tu me manques à un point que je ne saurai jamais t'exprimer. Je t'aime, je pense à toi, et je parle de toi à tes frères et ta soeur qui ne comprennent pas tous le rôle que tu joues dans leur vie mais qui, un jour, pourront peut-être aller te voir et connaître ta famille, ton quotidien, ton accent qui évoluera dans une autre direction que le leur...

Bientôt, tu viendras nous visiter... on tentera de passer quelques heures, peut-être une soirée, ensemble, mère et fille, comme, il y a de ça quelques années, c'était notre quotidien!!!

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