lundi 18 août 2008

Interlude

M'étant approché de la fenêtre afin de voir tomber la pluie, je l'aperçus, arpentant le trottoir d'un gris sale sur lequel l'eau s'accumulait avant de se déverser vers la bouche d'égoût déjà recouverte de feuilles mortes avant même la venue de l'automne...

Des chaussures de sport, un pantalon bleu et une légère veste beige la couvraient à demi; aucun parapluie, aucun imperméable ne la protégeait de l'averse, et ses longs cheveux bruns tombaient en lourdes mèches sans grâce, encerclant son visage trempé.

De la main droite, elle tenait un sac de grosse toile bleue, négligemment...

Plein de compassion pour l'inconfort qu'elle devait ressentir, je profitai de ce qu'elle s'arrêtait afin de scruter son visage, à la recherche de l'expression de découragement qui aurait pu m'amener à jouer les sauveurs, mais je restai sur ma faim... bizarrement...

De détresse il n'y avait aucune trace, non plus que de chagrin... Elle semblait en fait indifférente à toute cette pluie lui tombant sur le crâne, suivant l'arête de son nez, perlant à ses cils, mouillant un vague sourire, un regard moqueur que je suivis comme je le pus, tentant d'apercevoir la source de cet amusement.

En pure perte, puisque de ma fenêtre je ne pouvais voir assez loin... s'il y avait réellement quelque chose à voir, ce dont je commençais à douter, tout comme de l'état d'esprit de cette jeune fille qui ne semblait remarquer ni la douche ni le vent froid...

Me détournant, je décidai de m'occuper de mes affaires et entrepris de me préparer un sandwich... Cependant, je n'arrivai pas à chasser son image de mon esprit et revins bien vite à mon poste d'observation; je pus ainsi vérifier que si elle avait fait quelques pas, elle n'avait pas bougé de son coin de trottoir, traînant toujours son sac plein de...

J'y allai de quelques spéculations... Elle ne semblait pas y tenir tout particulièrement, pourtant ce pouvait être une nonchalance jouée... Je regardai bien son visage... Peut-être venait-elle de voler une banque... ou de descendre un amant infidèle dont elle transporterait la tête... ou pire encore...

Elle était peut-être folle à lier... oui!! Et dans son sac... il y avait les restes d'un chat qu'elle venait de torturer!!

Ou alors...

Ou alors elle trimbalait un monde à elle... un passage magique vers un univers peuplé de fantasmes et de chimères... J'aurais bien voulu les connaître...

Je ne sais si elle ressentit sur son corps l'intensité de l'attention que je lui portais...

Elle tourna lentement la tête vers moi... et je me dissimulai, maladroitement, derrière le rideau...

J'eus honte... De quoi avais-je l'air??? D'un voyeur? D'une commère de village?

De toutes façons, elle m'avait vu! Sortant de mon abri le plus naturellement possible, je lui fis un sourire que je voulais engageant... qu'elle me rendit chaleureusement.

L'intensité de l'instant avait été telle que je n'avais même pas remarqué que la pluie se tarissait, et que de timides rayons de soleil se montraient, redonnant les couleurs du jour à cet après-midi de fin d'été.

Me fixant toujours de ses grands yeux, elle mima avec les lèvres le mot "merci" puis, le sac toujours au bout de sa main, se détourna et partit, trottinant...

... emportant avec elle un butin ou un livre ou un cadavre que je ne verrai jamais... mais me laissant un joli sourire, à moi...

Soudainement tout joyeux, je me mis à siffloter...

... sans trop savoir pourquoi!

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